mercredi 22 décembre 2010

Défi de noël, Mardi 21 & Mercredi 22

Oui bon je sais j'avais promis un post par jour mais en même temps je ne sais pas tenir mes promesses lorsqu'il s'agit de ce blog. Voilà la suite du défi de noël, j'espère qu'il vous plaira. Bonne nuit à tous et surtout bonne lecture.

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Après avoir franchi les persiennes séparant la salle principale du hall d'entrée de cet endroit qui lui donnait la nausée, Alvin tourna court à droite pour rentrer dans les vestiaires. Comme tout lieu de villégiature pour personnes fortunées, le Chandernagor disposait en son sous-sol de courts pour jouer au squash. Ainsi donc les vestiaires étaient-ils constitués de nombreux casiers dont chacun portait le nom d'une famille qui était inscrite au club. Telle était la tradition seul le chef de famille pouvait entrer au nom de son autorité familiale, il venait ici pour la représenter auprès de ses semblables toutes aussi fortunées qu'elle. Seul le chef de famille pouvait décider de quand il léguait son casier à son héritier, sauf cas de force majeure comme un décès prématuré. Alors qu'il ouvrait le sien et prenait son long manteau de laine noire, Alvin contemplait dans une rébellion silencieuse les centaines d'années de tradition qui avaient pétris son actuelle déchéance.

Un fait cependant lui laissa un sourire sans joie … Malgré toute cette éducation basée sur le respect de l'étiquette et son érection en valeur absolue du bon goût des gens civilisés, malgré le fait qu'une telle norme sociale entraine fondamentalement l'établissement de codes et de procédures en tous genres … Eh bien malgré tout cela il semblait bien que personne au club n'ait jamais pensé à définir une procédure pour rendre son casier. Alvin avait bien entendu connu des lignées de marchands ou d'aristocrates qui avaient disparues faute d'héritiers, dans ces cas là le casier était tout simplement démantelé et rangé dans une remise. Tout du moins en attendant qu'une famille de roturiers arrive par maints efforts sur plusieurs générations à se hisser au niveau de prestige nécessaire à l'octroi d'un casier au club. Mais tout cela n'arrangeait pas l'affaire du nouveau pauvre qui se demandait bien si l'on allait le forcer à payer la concession de ce casier à nouveau, chaque année et ce jusqu'à la fin de sa vie. Cette idée ne l'enchantant guère, il se décida à rencontrer les dirigeants du Chandernagor dans le courant de la semaine. Ce soir il n'avait plus la force d'essayer de comprendre le fonctionnement de ce club incestueux, pourri jusqu'aux os, dans lequel les gens n'avaient même pas la décence de prévenir lorsqu'ils lançaient une vendetta à votre encontre.

Las d'occuper son cerveau embrumé par l'alcool avec de pareilles pensées il endossa son manteau et en referma les quatre boucles d'acier gravé qui se trouvaient sur le torse. Avec une nonchalance motivée par la fatigue et l'irrespect génétique qui semblait caractériser les Crawford, il bailla sans le cacher avant de laisser échapper un léger rot. En un certain sens heureusement que personne ne l'ait ni vu ni entendu, cela aurait pu encore contribuer à nourrir l'ire de ses détracteurs et Alvin n'avait plus la moindre envie de leur faire plaisir. Faisant craquer ses phalanges il jeta un œil à la glace fixée sur le verso de la porte du casier et qui lui renvoyait son visage. Un long cou soutenu par des trapèzes solides donnait naissance à une mâchoire carrée, taillée au couteau sur laquelle commençait à poindre une légère barbe. Des lèvres fines au teint rose pâle, légèrement entrouvertes le plus souvent et qui étaient surmontées par un nez long et droit. Ses yeux légèrement en amande abritaient un vert étincelant malgré la fatigue que de profondes cernes avaient gravées dans son visage. Ses sourcils tombaient sous le fait de la fatigue et sa tignasse blond cendré coupée court mais mal coiffée attestait bien de sa déchéance.

Même si son esprit était calme et malgré tout assez serein, son corps montrait sans aucun artifice sa fatigue, son mépris et sa soudaine déchéance. Jamais avant cet après-midi Alvin ne se serait permis de se montrer comme ça. Pour choquer les foules il vaut mieux leur ressembler au plus près, être rasé de près, porter un costume parfaitement coupé, renvoyer l'image du gendre parfait. Avant d'embrasser la demoiselle d'honneur sur l'autel juste après la prononciation des vœux. Repensant à cette farce qu'il avait déjà orchestrée à deux reprises, une fois en tant que témoin et l'autre en tant que marié, il eut à nouveau un sourire légèrement joyeux. Après tout il les avait tous harassés jusqu'au plus haut point, jusqu'à l'affront ultime porté à son propre nom par ceux qui avaient le goût des noms prestigieux. Oui, ils avaient étés poussés à bout par la faute d'un seul homme, dont la seule bêtise et effronterie avait suffit à faire tomber leur système de prestige et de la meilleure façon de le conserver. Car leur réaction à ses multiples facéties n'avaient rien de grandiose, bien au contraire c'était extrêmement lâche même pour le plus tordu des marchands et le plus comploteur des aristocrates. En effet il était mal vu de ne pas finir le travail dans ces dynasties où la parole et l'acte comptent plus que tout.

Alvin laissa son casier encore ouvert en partant, il avait pris son manteau ainsi qu'un range-cigare en cuir plus vide que son portefeuille et un sceau mineur de feu qui servait à allumer lesdits cigares. Dans l'esprit du dynaste déchu persistait l'idée qu'on allait peut être finir le travail. En effet les légendes et l'histoire même du Lewis-Thrond regorgeaient de héros au destin brisé par une cabale de comploteurs qui finissait par ressurgir comme par magie alors que personne ne s'y attendait pour reprendre sa place et châtier ses détracteurs. Le principe même d'ourdir une vengeance machiavélique durant un nombre d'années indéterminé où il disparaîtrait de la circulation pour jeter son dégout à leurs faces une fois qu'ils seraient pris dans ses plans lui parut tentant, alors qu'il empoignait le bronze permettant de quitter le club et de se retrouver dans la rue. Mais une fois gêné par l'obscurité ambiante de l'avenue en cette nuit d'automne, le jeune homme se rappela qu'être dans l'ombre n'avait jamais réussi à être parmi l'éventail de ses compétences.

Il commença à marcher en direction de son appartement du centre-ville, délaissant les fiacres pour ce soir, tout en prenant une grande inspiration. L'air était doux pour l'époque de l'année et une fois que l'on s'était habitué à la seule lueur de la lune, il devenait très agréable de se rendre à foulées mesurées vers sa destination. Sur les trottoirs se promenaient des étudiants déjà assez avinés malgré l'heure peu tardive, surveillés du coin de l'œil par des gardiens de l'ordre à la barbe longue et aux matraques proche de la main directrice. Oubliant l'espace d'un instant ses soucis Alvin se rappela à quel point il avait put apprécier cette capitale du Lewis-Thrond, la grande cité de Galina. Bâtie sur vingt-quatre niveaux différents, immense tour de pierre et d'arbres entremêlés qui pointait haut dans le ciel. Faite de ponts suspendus, d'escaliers aux pierres de granit enchâssées entre de solides branches de chênes plusieurs milliers de fois centenaires.

La légende disait qu'avant Galina se trouvait au niveau de la terre le palais de l'être le plus mauvais que le monde n'ait jamais porté. Peu de personnes connaissaient encore son nom véritable et Alvin lui même le nommait simplement l'artefactier noir. Comme son nom l'indiquait il s'agissait d'un fabricant d'artefacts extrêmement malveillant, dont les principales pensées tout au long de la conception d'un artefact étaient tournées vers le néant le plus absolu. Il ne voulait rien et regrettait la création du monde, il ne désirait qu'une seule chose, le mener à sa propre perte dans une explosion de néant. Mais comme tous les hommes il pouvait parfois faire des erreurs et alors que personne n'était jamais arrivé à le vaincre ou même à démanteler ses créations, l'artefactier noir commit une erreur de calcul qui en lieu et place de son palais dédié au néant naquit une forte source de création qui érigea à partir de la végétation environnante et des pierres du palais maudit une sublime cité aérienne comme il n'en existait nulle part ailleurs dans le monde.

Ainsi se terminait la légende traitant de la création de Galina, tout du moins la version qu'Alvin connaissait le mieux. Car comme toutes légendes l'on pouvait trouver tout et son contraire, mais au delà de la bonne connaissance qu'il avait de cette version, c'était aussi celle qu'il préférait. Accoudé à une balustrade donnant sur un panorama que seul la cité pouvait offrir, il contemplait les centaines de kilomètres de forêts, de villages et de pâtures qui entouraient la tour aux deux éléments, la lance de bois et de pierre. Devant ce paysage qu'il avait appris à aimer durant ces dix dernières années, il se dit qu'en effet cette version de la légende lui plaisait plus que tout car elle célébrait la victoire du tout sur la présence du rien.

Cette phrase assez peu compréhensible prenait pourtant tout son sens dans l'esprit du dandy, alors qu'il rentrait enfin chez lui. Posant son manteau sur un fauteuil du salon il se précipita dans sa chambre en enlevant sa veste et son gilet qu'il jeta sur le sol, entrant dans sa chambre il enleva ses vêtements, ne gardant que son caleçon avant de se jeter sur son lit. Il avait toujours la même idée en tête et même si l'alcool avait aidé à modifier la donne, l'essence même de sa réflexion persistait. Le rien n'était rien, tout pouvait être le tout, ce principe basé sur des antithèses mises face à face pouvait être à la source de n'importe quel retour au succès selon Alvin. Et ce type de pensées positives pourraient peut être lui permettre de sortir des problèmes qui allaient désormais être les siens. Il allait devoir totalement repenser sa façon de vivre désormais, car même si la vente de son patrimoine immobilier personnel lui permettrait certainement de s'assurer une certaine aisance financière, au moins pour quelques temps. Malgré cela l'heure du bilan était quand même venue et Alvin se devait de comprendre comment il en était arrivé là, une autocritique particulièrement acerbe et réaliste lui permettrait certainement de repartir du bon pied. Il ne savait pas exactement quelle somme il allait tirer de la vente de ses possessions, mais cela l'aiderait néanmoins.

Allongé sur son lit Alvin se sentait peu à peu sombrer dans un sommeil qui promettait d'être troublé, c'était toujours dans son repos que ses angoisses ressortaient le plus. Ce moment si particulier où il laissait son inconscient digérer en cauchemars et autres angoisses tout ce qui pouvait lui peser sur le cœur. Tout aussi paradoxal que cela puisse sembler il se réveillait pourtant toujours en pleine forme quelque fut son état la veille. Saoul, fatigué, harassé, drogué, insomniaque … Toujours après cinq ou six heures de sommeil Alvin était totalement reposé et prêt à recommencer une journée sur au plus haut niveau d'énergie dont il était capable. Mais ce soir son esprit cédait face à la fatigue accumulée ces deux derniers jours, aussi brusquement que la mort peut arriver le dandy ferma les yeux et se laissa totalement porter par les vents du sommeil.

Un long, très long couloir était en train de se dessiner sous les pas d'Alvin … Il savait qu'il était en train de rêver, pourtant la structure, la matérialité même de ce rêve avaient tout pour le faire douter de son propre état d'inconscience. Ses pas cadencés suivaient une rigueur militaire qu'il ne s'était jamais su posséder, il arrivait même à sentir le roulement de ses épaules, il se tenait droit, extrêmement droit. Quelque chose reposait sur sa tête, un chapeau certainement, mais cintré au millimètre près sur la forme de son crâne rasé. Jamais il n'avait eu le crâne rasé pourtant … mais c'était obligatoire dans son nouveau travail. Enfin il arriva au bout du couloir et ouvrit la porte qui lui faisait face, une lourde porte blindée, avant de pénétrer dans une pièce aux murs d'un blanc immaculé et où la lumière artificielle agressait les yeux au premier regard. Il fronça les sourcils, le temps de s'habituer à ce changement photonique, distinguant sept personnes assises sur des chaises, la tête baissée. Une fois habitué à la luminosité ambiante Alvin reconnut directement les personnes qui étaient assises devant lui.

Streton, Bobcko, Grants, Walmer, Hecton, Forbze et Tilditch … Les sept personnes dont il avait la certitude qu'ils faisaient partis de la cabale qui avait conduit à sa perte étaient attachés sur des chaises métalliques dans une salle aseptisée. Alvin savait qu'il était là pour les punir mais n'arrvait guère à s'y résoudre. Ils étaient tous en position de faiblesse, incapables de se défendre contre lui. Mais lorsqu'ils relevèrent tous la tête et le regardèrent avec mépris, toujours avec cette même défiance à son encontre, ces regards empreints de haine qu'ils avaient toujours posés sur lui. Même depuis son enfance il n'avait jamais ressenti d'autres sentiments provenant de ces vieillards décatis, régnants en souverains indétronables sur leurs millions et leurs familles. Il ne supportait pas leur simple vue, au fond de lui la colère augmentait, il la sentait bruler dans son corps … Encourager une étincelle qu'il n'avait jamais ressenti en son sein. Oui il était en colère et la première démonstration de cette ire se produisit dans un claquement sec, celui du cartilage nasal de Grants cédant sous le plat de la main gantée d'Alvin.

Rien ne changeait dans le regard des autres dynastes marchands, ils avaient toujours le même air de défi qui trônait sur leurs visages. Alvin ne sentait plus d'autre chose qu'une profonde haine pour ces types et alors que Grants remontait la tête, il vit poindre derrière le nez cassé et l'éclaboussure de sang ce même regard haineux. N'y tenant plus il saisit Grants par les oreilles et propulsa sa tête contre l'arête de son genou, arrachant au vieillard un gargouillis partagé entre surprise et douleur. Déjà Tilditch le regardait avec horreur alors que les autres avaient les yeux braqués vers leur ami mourant, étouffant dans son propre sang. Mais Alvin avait déjà changé de cible et s'acharnait sur Tilditch, usant de ses poings fermés contre les tempes de l'homme, ne laissant aucunes traces immédiatement visibles si ce n'était celles du mince filet de sang qui s'épandait de plus en plus régulièrement par les oreilles de cette victime toute désignée. Les coups tombèrent encore et encore, avec une rythmique et une puissance toujours plus salvatrice pour Alvin. Il détruisait ceux qui l'avait détruit, un juste retour à l'équilibre s'opérait car le rien n'était rien et tout pouvait être le tout. Les forces s'opposaient et se complétaient à la fois, dans la douleur de ces hommes, dans le bruit de leurs os déjà fragiles brisés et dans leurs gémissements de plainte, leurs suppliques … Dans tout cela Alvin se retrouvait pleinement, il voyait sa fougue et son irresponsabilité salvatrice lui revenir, jamais il ne s'était senti aussi vivant que dans ce rêve charmant qu'il était en train de réaliser. Les images se succédaient et se brouillaient dans sa tête, tout devenait flou pour lui dans ce déchainement de violence. Bientôt lui même perdit, à regret, le cours du rêve.

Une odeur forte et une chaleur vive se faisait sentir par toutes les pores de la peau d'Alvin. Mal à l'aise, transpirant, il se retourna dans son grand lit … qui s'effondra dans un vrombissement. Totalement surpris, Alvin ouvrit les yeux et fut stupéfait devant le spectacle qui s'offrait à lui. Sson lit était totalement carbonisé, il reposait sur des braises vives tandis qu'une aura de flammes sortait de son corps. Paniqué, il se redressa et remarqua des gouttes de magma sur sa peau en lieu et place de sa propre sueur. De l'incompréhension et de la peur se mélangeaient dans l'esprit du dandy qui ne put s'empêcher d'émettre un long cri de détresse, dont l'écho ne trouva jamais sa cible car il ne semblait plus capable de parler ou d'émettre n'importe quel son. Se levant précipitamment, il emporta avec lui son aura de flammes rougeoyantes, qui commencèrent ainsi à lécher le plafond. Alors un son sortit de ce drame silencieux, une note de dédain dans cet univers de silence effroyable.

- Tsss … J'en ai connu des pucelles face à leur explosion mais toi … C'est le bouquet.

Une voix rauque, éraillée, inhumaine tellement elle était rugueuse. Alvin se retourna vers l'endroit d'où ses oreilles semblaient avoir perçu le son et put voir un homme tranquillement assis sur un des canapés du salon, près d'une table basse ou trônait une bouteille d'alcool et un cendrier assez rempli. L'homme semblait grand, même assis, il portait ses cheveux roux mi-longs. Son visage était semblable à celui d'un ours tant la barbe mangeait sur le reste de la peau, une écharpe lui couvrait le cou. Massif, bâti comme un coffre-fort, il portait une chemise à carreaux noirs et rouges sur une veste à franges en daim. Un simple jean et de bonnes chaussures de marche, nul besoin de préciser que dans cet intérieur luxueux l'étranger faisait bien pâle figure. Finissant son verre avant de parler, il le posa et éteignit une cigarette avant de couper court aux questions d'Alvin :

- Bon … On a une bonne et une mauvaise nouvelle dans ton malheur. La mauvaise c'est que j'ai du sceller tes cordes vocales pour que tu n'ameutes pas tout le monde. La bonne … c'est que tu as ce que tu voulais, tu es enfin libéré de ce monde de merde. Rhabille toi avant que je te viole maintenant.

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