samedi 25 décembre 2010

Cadeau de Noël

Bonsoir à tous ! Comme vous vous en doutez mes promesses scriptoriales n'engageant que les abrutis qui y croient (donc ni vous ni moi), le défi de Noël était une idée irréalisable tant d'un point de vue physique que psychique. C'était les fêtes et je n'ai pas eu le temps de travailler là dessus, point barre.

Cependant dire que je compte abandonner l'histoire d'Alvin "Le pas chipmunk" Crawford est la mauvaise solution. Ce récit me semble porteur pour moi, aussi mon cadeau pour vous en cette fin d'année 2010 sera de continuer régulièrement cette histoire. Je vous en donnerais d'ailleurs la preuve avec la troisième partie qui suit ces quelques lignes.

Dernière chose, je ne sais pas à quelle cadence avancera ce récit, mais je n'ai pas non plus envie de ne poster que cela. Ainsi donc vais-je détendre mon esprit avec des articles moins longs dans les jours qui viennent. Et notamment une petite critique littéraire, parce que la critique c'est bon et qu'il est sain d'en manger.

Et maintenant, sans plus attendre, partie III d'Alvin Crawford

Et tant que j'y pense : Joyeux Noël à tous ^^

***

L'odeur corsée du café n'arrangeait rien aux pensées embrouillées d'Alvin en ce lendemain de faillite. Même si l'écroulement de sa fortune était pour l'instant le cadet de ses soucis au vu de ce réveil mouvementé. L'intrusion dans son appartement d'un inconnu aux manières aussi rudes que son accoutrement pouvait le laisser penser, le scellement de ses cordes vocales et surtout le fait de s'être réveillé en tant que torche humaine avait fini de réduire à néant les nerfs du dandy. L'homme avait fini par l'autoriser à utiliser ses cordes vocales, une fois qu'il avait été calmé et que les flammes avaient disparues. Ce qui surprit le plus Alvin lorsqu'il leva le sceau fut qu'il ne semblait pas utiliser d'artefact particulier pour ce pouvoir, il n'avait en effet fait que claquer des doigts et son prisonnier ressentit une sorte de tension dans la gorge, suivie de la possibilité d'utiliser sa voix. Bien entendu Alvin avait d'abord voulu harasser de questions son interlocuteur, qui claqua à nouveau des doigts pour bloquer à nouveau les cordes vocales avant de dire d'une voix amusée :

- Chut. C'est le matin donc on va d'abord prendre un café. Et ouvre la fenêtre, parce que ca pue le fauve dans ta chambre.

Sans vraiment se rendre compte de sa docilité il obéit en silence, se levant pour ouvrir la fenêtre et ainsi laisser s'échapper la fumée qui emplissait l'appartement. Connaissant la réputation du propriétaire en matière d'extravagances, personne parmi le voisinage ne verrait le problème à ce que celui-ci ait fait bruler une partie de son logement. Mais le fait qu'il ouvrit la fenêtre nu comme un ver, ses vêtements ayants accompagné le destin funeste du lit, pourrait faire décrier les gazettes durant des jours. Ayant peu envie d'être en tête d'affiche à nouveau, il bondit presque vers son armoire et y saisit quelques affaires avant de tourner la tête en direction de l'étranger. Une sorte de réflexe pudique assez ridicule au vu de la situation, surtout que l'homme n'était plus à sa place et que Alvin entendait du bruit dans sa cuisine, quelques mètres plus loin. Qui était ce type, comment avait-il put sceller sa voix avec une telle facilité … De nombreuses questions se bousculaient dans la tête du dandy alors qu'il enfilait ses vêtements avec la lenteur caractéristique de ceux dont le sommeil n'a pas été reposant. Arriver à retrouver des repères dans le chaos de cette journée qui commençait lui était quasiment impossible car, quelle que soit l'explication un tant soit peu plausible que son cerveau émettait pour comprendre sa situation, il restait toujours trop d'incohérences pour satisfaire Alvin.

Ralliant la cuisine et l'odeur du café une fois qu'il se considéra comme présentable, il eut la surprise de remarquer un sachet de pâtisseries fines trônant sur le plan de travail. Manifestement l'étranger avait pris soin de faire les courses avant de venir, ce qui rappela à Alvin qu'il ne savait même pas quelle heure il était. Estimant rapidement que cela n'avait finalement aucune importance il s'assit lourdement sur le plan de travail avant que son invité involontaire lui tende une tasse de café fumante.

- Merci

Dit-il de façon totalement réflexe, n'ayant pas réellement l'habitude de remercier les étrangers qui lui préparaient le petit déjeuner chez lui le matin. A cela l'homme répondit par une grimace moqueuse, battant l'air devant son visage avec une de ses mains.

- Putain ! Mais c'est quoi cette haleine de cimetière ? Ta faillite était tellement dure que t'as bouffé tes semelles avant de dormir ?

Tout autant surpris par la répartie cinglante de cet homme que par le fait qu'il connaisse son état financier, Alvin eut un mouvement de recul qui eut pour effet de faire cogner son occiput contre une étagère en bois massif derrière lui. Décidément ce n'était pas une bonne journée pour lui il en était sûr et cet accident eut semblait-il pour effet d'allumer une lueur de sympathie dans le regard de son interlocuteur. Preuve d'humanité qui disparut bien vite derrière le regard dur et froid qu'il arborait auparavant. Il se tenait debout face à Alvin, les jambes légèrement arquées et sa tasse de café à la main. Tout chez lui semblait renvoyer au champ lexical de la rudesse et de l'antipathie mais pourtant Alvin croyait discerner, alors qu'il l'observait du coin de l'œil, que cet homme n'avait pas toujours été comme ça. En effet son port de tête et sa façon de se mouvoir de façon extrêmement rythmée, cadencée même, rappelait les démarches de certains officiers des armées navales d'Ashtur. Pourtant l'homme n'avait pas les traits physiques d'un Ashturiani, il n'était pas fin et élancé contrairement à ce peuple de marins. Et surtout son visage n'était pas dépourvu de sourcils et tatoué sur le front, comme il en était coutume pour ce peuple. La veste à franges quand à elle aurait peut être été un indice de l'origine géographique de cet homme si seulement Alvin avait eut un référent à y confronter, ce qui n'était pas le cas.

Alors qu'ils étaient en train de se dévisager, il se remémora les dires de cet homme au sujet de sa faillite. L'information n'avait pas encore filtré des bureaux de sa société lorsque Alvin était parti pour le Chandernagor, ils avaient en effet prévus de préparer une conférence de presse le lendemain. Ainsi donc même les journaux ne pouvaient pas avoir titrés sur cet événement dans la nuit, Galina et le Lewis-Thrond dans son entier n'étaient donc pas encore informés. Donc … Comment ce type qui semblait sorti du fin fond des campagnes profondes de n'importe quel trou perdu pouvait-il savoir qu'il était ruiné ? Quel était son rôle par rapport à toute cette histoire ? On entendait souvent parler de meurtriers et autres criminels de grande envergure qui aimaient revenir sur les lieux du crime une fois leur forfait accompli. Mais malgré ses airs d'associable fini, il ne donnait pas à Alvin l'impression d'avoir grand chose à voir dans cette histoire. Pas nécessairement plus détendu mais de plus en plus intrigué par son vis à vis, Alvin saisit une brioche fourrée à la figue et en avala une bouchée sans entrain avant de briser le silence qui emplissait la pièce.

- Veuillez m'excuser monsieur, mais je n'emploie qu'un seul domestique et même malgré mes difficultés matinales … Je suis certain que votre pilosité est trop abondante et que vous n'avez pas assez de poitrine pour être cette personne.

Un léger sourire en coin se dessina sur le visage de l'étranger qui ne s'attendait manifestement pas à ce que son interlocuteur fasse de l'ironie dans cette situation. Après avoir émis un léger soupir rauque, il répondit d'une voix posée :

- Tu fais allusion à la petite blondinette qui allait voir son patron totalement nu, en train d'émuler un feu de camp dans la baraque ? Eh bien il faudra m'excuser mais j'ai pensé qu'il était plus sage de la congédier, à son âge on a pas besoin de voir des horreurs comme ça. Et de toute façon il fallait limiter le nombre de témoins.

Manifestement Eliane, la domestique avait donc croisé l'homme en venant prendre son poste, il était donc plus de sept heures du matin, c'était certain. Mais au vu de la lumière qui filtrait au travers des vitres, il n'était guère qu'une à deux heures de plus grand maximum. La suite du discours de l'homme et sa propension à parler comme l'adulte mystérieux mais responsable fit naître une pointe de colère dans l'esprit d'Alvin. Prenant tout d'abord une grande inspiration, il se releva et posa sa tasse, se mit à une dizaine de centimètres à peine de son interlocuteur avant de répondre d'une voix dans laquelle se concentrait toute son exaspération et sa colère.

- Sur le principe je vous concède que vous avez bien agi. Mais justement revenons en à cet événement … étonnant. Qu'est-ce qui m'est arrivé ?!

Finit-il par hurler à l'encontre de l'étranger qui semblait vouloir lui répondre avec la même rage à en croire ses sourcils froncés. Mais il fit bien mieux pour calmer le dandy en lui assénant un coup de tête qui claqua sèchement dans l'air, front contre front. Sans préparation préalable ni même une quelconque anticipation de cette réaction violente, Alvin recula en titubant avant de buter contre le plan de travail, totalement abasourdi. La voix éraillée de l'homme suivit, tandis qu'il se massait le front.

- J'y suis allé un peu fort … Mais c'était essentiel pour que tu te calmes car même si ce n'est pas facile pour toi, ce qui est tout à fait compréhensible, c'est nécessaire si tu ne veux pas finir de brûler tout ton appartement. Si je suis là c'est pas pour t'emmerder, mais plutôt pour te sortir du bordel monstrueux dans lequel tu as toujours vécu.

Alvin toucha son nez tout en écoutant l'homme, il savait bien frapper c'était certain car il n'avait touché d'autres zones que celles qu'il visait. La douleur réveilla le souvenir de l'alcool ingurgité la veille, procurant un fort mal de crâne au dandy. D'un ton désabusé, il répondit :

- Ma vie n'était pas monstrueuse avant, mais pour le bordélique … Le nier serait un mensonge trop gros pour moi.
- Je te parle pas de ta vie pauvre nouille, je m'en tape autant que des bagnes de la côte dentelée. Non, si je suis là c'est justement à cause de ce que t'as fait ce matin. Je suis là pour t'apprendre à pas te faire choper et enfermer, gamin.

L'aider ? Drôle de façon d'être pédagogue se dit Alvin en son fort intérieur, préférant ne pas risquer un nouveau coup de poing ou une autre interdiction d'utiliser ses cordes vocales. Et de toute façon, quelque chose d'autre avait bien plus attiré son attention et déclenché sa peur. Dans le même temps l'étranger avait mentionné les prisons les plus effroyables du Lewis-Thrond et le fait qu'il était certainement recherché. Envisager une telle possibilité provoqua un effondrement de toutes ses convictions … En quoi avait-il été assez injuste envers les autres ou tout simple dangereux pour mériter un tel traitement ? Manifestement son angoisse devait se lire sur son visage, car l'homme reprit d'une voix se voulant plus douce :

- Tu dois certainement te demander pourquoi tu es recherché. Tu es perdu en toi même car tu ne vois pas ce que tu à fait pour en prendre autant dans la tronche. J'avoue que perdre sa fortune et toute chance d'avoir un jour une vie normale en moins de quarante huit heures … C'est dur quand même. Mais pour la deuxième perte, je suis passé par là aussi et je vais t'aider à comprendre tout ça.

L'homme dirigea Alvin vers un des fauteuils du salon avant de revenir à la cuisine pour prendre les cafés et les pâtisseries. Le dandy se tenait la tête entre ses mains, totalement anéanti par ce que venait de lui annoncer cet étranger. Les pas de ce dernier se rapprochaient de lui et il finit par l'avoir dans son champ de vision, installant le nécessaire au petit déjeuner entre eux même si Alvin avait maintenant uniquement d'informations. D'une voix accélérée par la tension nerveuse, il lui demanda :

- Mais concrètement, qu'est-ce qu'il m'arrive ?
- Oula … Grande question en réalité qui mériterait des années pour que l'on y réponde correctement. Cependant nous n'avons pas des années devant nous alors …

Il semblait réfléchir pour expliquer au mieux à l'homme traumatisé en face de lui ce qui s'était passé. Ce silence dura une bonne minute qui sembla être une éternité honnêtement longue pour Alvin, tellement préoccupé par toute cette histoire qu'il ne cessait de se repasser dans sa tête les principes déterminants qu'il avait pour le moment retenu de ce que lui avait dit l'étranger. Il était recherché, si il se faisait prendre il finirait dans l'endroit où l'on enfermait les tueurs en série et les violeurs d'enfants. Une boule se formait dans son estomac, lourde comme le plomb elle le forçait à s'affaisser dans le fauteuil en cuir. Son regard était empli par la peur et son esprit ne cessait d'imaginer comment se passait les journées dans les bagnes de la côte dentelée. Perdu dans ses pensées, il fut presque surpris lorsque l'étranger reprit la parole :

-Avant tout, tu dois savoir que ce que je vais te dire va finir de détruire toutes tes certitudes au sujet de ce monde et de ses réalités. La vérité à ton sujet, comme au mien, c'est que nous sommes différents des moutons qui suivent docilement les lois et les codes sociaux. Ca tout le monde peut comprendre qu'instinctivement tu le savais, il suffit de prendre une quelconque gazette pour trouver tes frasques dans les reports des mondanités de la capitale. La vérité gamin, c'est que tout comme moi il y a quelques années, tu as du accomplir un geste symbolique assez fort pour finir par te libérer de l'influence du collectionneur.
- De qui ?
- Le collectionneur, un artefactier extrêmement puissant qui fait tout pour n'être connu de personne et tire les ficelles dans l'ombre. C'est lui qui contrôle le gouvernement du Lewis-Thrond et depuis ce matin … C'est ton ennemi le plus mortel.
- Mais pourquoi moi ? Juste parce que j'ai renoncé à rentrer dans le moule que je m'étais moi-même imposé pour me faire remarquer en société ? C'est totalement incroyable comme histoire voyons réfléchissez monsieur, vous ne pouvez pas affirmer qu'un artefactier a pris le contrôle du gouvernement sans preuves, cela n'a aucun sens !
- Et ta transformation en bûche géante, c'est pas une preuve que quelque chose cloche non ? Non parce que si ca t'arrive souvent, alors je te félicite et en effet j'me serais planté sur ton compte.

La dernière réplique de cet homme sentait l'agacement et au vu de ses précédentes réactions devant les rébellions d'Alvin, ce dernier décida d'arrêter de chercher à poser trop de questions. Son front était encore endolori, il était trop tôt pour penser lui tenir tête. Soupirant lourdement, les sourcils froncés, le dandy reprit :

- Non, en effet. Mais ce que je vous demande, c'est ce que j'ai fait. Concrètement.
- Hem. C'est justement ça le problème en effet. Tu sais comment fonctionne l'art des artefacts ?
- J'en vendais pour l'agriculture avec une de mes sociétés. L'artefactier médite pour tirer de l'inconscient collectif de l'humanité une puissance brute, qu'il nomme l'anima. Elle dispose de toute la puissance d'un concept et est ensuite enchâssée dans un objet. C'est ainsi qu'on use de sceau de feu, qui contienne le concept très répandu de la flammèche. Tout le monde voit ce que c'est et peut l'utiliser pour allumer ses propres feux ou encore ses cigarettes. Même si le prix de ces objets les limitent au final à un usage par les classes les plus aisées.

Pendant l'explication d'Alvin, l'homme s'était levé et approché de la fenêtre, les mains jointes dans le dos. Il semblait regarder la rue en contrebas avec un intérêt certain. Son interlocuteur se demanda si il attendait quelque chose de particulier mais ne lui posa aucune question à ce sujet, pour avancer plus vite dans la compréhension de cette fable qu'on lui servait. Regardant toujours la rue, il répondit d'un ton moqueur :

- Pour l'agriculture ? Vous produisiez quoi, des arrosoirs qui arrosent ? Hem, pardon. Oui donc tu vois ce qu'est un artefact … Eh bien le collectionneur lui a fait bien mieux qu'un simple allume-feu. C'est lui qui a créé un artefact que tout le connaît sans mettre prendre en compte sa puissance, son anima.
- J'ai peur de ne pas bien vous suivre. Il a créé un artefact, ce qui est somme toute normale pour un artefactier. Mais quel est-il ?

L'homme se retourna, l'air particulièrement grave, une tension particulière inonda d'un seul coup la pièce. Le regard de cet étranger se plongeait dans celui d'Alvin avec le sérieux le plus grave, ce dernier était tendu. Il attendait la chute, le verdict.

- Il a créé la constitution de ce pays. Il a créé ces règles sociales pour mieux régner, celles là même que tu as foulées du pied définitivement une dernière fois. Tu as outrepassé l'espace d'un instant la puissance de son artefact. Ce simple instant a suffi pour réveiller quelque chose que le collectionneur recherche, quelque chose dont la quête l'obsède. Ton don de pyrokinésie Alvin.

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